UGC M : BABYLON
DAMIEN CHAZELLE, L’HOMME QUI FAIT DANSER HOLLYWOOD
En seulement quatre films, le Franco-Américain Damien Chazelle a su conquérir le public par sa maîtrise du tempo cinématographique. Le wonder boy d’Hollywood est de retour avec un cinquième long très attendu, et pour le moins surprenant. Un portrait aussi cruel qu’exalté de la naissance du cinéma en tant qu’industrie, porté par une flopée d’acteurs de talent (Margot Robbie, Brad Pitt et Diego Calva en tête), dont la radicalité tranche avec la certaine innocence de ses premières réalisations. Mais, et malgré son gigantisme, Babylon s’inscrit bien dans la lignée des films de son auteur. Voici donc un tour d’horizon, avec ses précédentes œuvres dans le rétroviseur.
UNE ODE VIBRANTE AU CINÉMA
Un monde sépare La La Land (2017), comédie musicale enchantée, de Babylon, fresque démesurée de la naissance et du déclin de l’âge d’or hollywoodien. Les deux films sont pourtant liés par cette même passion brûlante pour le cinéma. Certes, Chazelle fait d’Hollywood une société du vice qui s’autorise tous les excès, mais il en célèbre aussi la magie et son héritage foisonnant. Aussi, lorsque Manny (formidable Diego Calva), ancien directeur de production reconverti en modeste commerçant, renoue avec Hollywood et le grand écran après plusieurs années d’exil forcé, c’est l’histoire du cinéma tout entière que le cinéaste convoque, dans un montage halluciné qui cite autant les grands maîtres (Dreyer, Godard…) que l’œuvre révolutionnaire des sœurs Wachowski.
ÉLOGE DU JAZZ
Quiconque connaît la filmographie de Damien Chazelle est au fait de sa passion pour le jazz. Dans son premier long, Guy and Madeline on a Park Bench (2010), Guy est un trompettiste, Whiplash (2014) fait de Miles Teller un ambitieux batteur coaché par le redoutable J.K. Simmons, La La Land transforme Ryan Gosling en un pianiste obsédé par l’âge d’or du jazz et ses représentants (Charlie Parker, Count Basie…) ; tandis que Babylon nous conte la trajectoire de Sidney Palmer (sensationnel Jovan Adepo), un jazzman propulsé au rang de superstar du cinéma musical. Ces films seraient cependant incomplets sans le travail remarquable de Justin Hurwitz, compositeur attitré du cinéaste, dont les partitions entraînantes ont le pouvoir de remonter le temps.
DREAM BIGGER
Le motif du rêve et de l’ambition traverse de toutes parts le travail de Chazelle. Qu’il s’agisse de Mia, qui déclame son amour pour les "fous rêveurs" lors d’une audition mémorable ; Andrew, qui aspire à devenir le meilleur bassiste de sa promotion ; mais aussi Manny et Nellie, qui rêvent de faire partie de "quelque chose de plus grand" : les personnages de la galaxie Chazelle sont motivés par le désir d’être quelqu’un. Babylon, qui met en scène les balbutiements d’Hollywood et sa progressive transformation en une impitoyable usine à fabriquer du rêve, n’est finalement que la suite logique d’une œuvre qui s’emploie à déconstruire le rêve américain autant qu’à le célébrer.
AMOUR, TOUJOURS
"Amour, amour, je t’aime tant…" chante Catherine Deneuve dans Peau d’âne de Jacques Demy, cinéaste si cher au réalisateur de Babylon. Les films de Chazelle partagent cependant une même vision fataliste du sentiment amoureux. Il y est systématiquement contrarié, empêché, mis de côté par l’ambition et les rêves de célébrité. Il a beau être enveloppé des mélodies entêtantes de Justin Hurwitz (dont l’inoubliable Mia & Sebastian’s Theme de La La Land), l’amour n’a jamais véritablement la possibilité de se concrétiser. Guy, Madeline, Andrew, Mia, Sebastian, Neil, Manny, Nellie… la galerie de personnages composée par le cinéaste apprend à ses dépens qu’il ne semble pas y avoir de place pour l’amour lorsque l’on aspire à s’élever dans la société.
L’ENVERS DU DÉCOR
Babylon partage avec La La Land ce même attachement à mettre en lumière les dessous de la création cinématographique. D’un côté, la dure réalité des castings et des auditions ; de l’autre, la cacophonie des tournages, puis les contraintes techniques liées à l’avènement du parlant. Il est intéressant de constater à quel point les deux films se répondent, à la fois thématiquement et musicalement – certains thèmes de Babylon sont des variations de ceux de La La Land –, car ils sont les deux facettes d’une même pièce. La La Land assistait à la naissance d’une actrice dans une industrie saturée, Babylon orchestre le déclin de ses vedettes, pionnières d’une industrie naissante.
Babylon, à découvrir dès maintenant dans nos cinémas. Ce film a reçu le label UGC M.
Cet article est issu du Mag by UGC.