SAINT-EX : L’INVITATION AU VOYAGE

Après Les Sorcières d’Akelarre (2021), l’Argentin Pablo Agüero rend hommage à Saint-Exupéry via un conte intimiste tourné dans la mythique cordillère des Andes. Éblouissant.

Quel est le point commun entre les paysages fabuleux d’Argentine et Antoine de Saint-Exupéry, auteur français du tout aussi fabuleux Petit Prince (1943) – ouvrage le plus traduit au monde après la Bible ? Souvenez- vous : l’histoire débute par un aviateur perdu au beau milieu du Sahara suite à une panne de moteur. Cet aviateur, c’est Saint-Exupéry lui-même; un aviateur qui a puisé dans sa propre exaltation pour écrire des livres. Dans Vol de nuit (1931) déjà, il racontait ses vols en Argentine pour une compagnie aéropostale. Avec son grand ami Henri Guillaumet, il a en effet survolé la cordillère des Andes au risque de sa vie pour acheminer tout type de courrier.
Né à l’endroit exact parcouru par Saint- Exupéry entre 1929 et 1931, le cinéaste franco-argentin Pablo Agüero rêvait de rendre hommage à cette figure tutélaire. C’est désormais chose faite, en l’occurrence avec un film à hauteur du mystère de l’homme; un homme qui aura passé sa vie la tête dans les étoiles, dans tous les sens du terme. Non pas un biopic comme on aurait pu en faire des dizaines, mais un pur objet sensoriel. Délimité à l’ivresse du ciel et de la vitesse, à l’urgence d’un présent qui file entre les doigts, le récit ne répond que d’un objectif : voler. Traverser la cordillère malgré la nuit, le froid ou le vent. Jusqu’au jour où le pilote Guillaumet (Vincent Cassel) disparaît sans donner de nouvelles…

À L’OMBRE DU PETIT PRINCE
Désabusés, sa compagne Noëlle (Diane Kruger) et son ami Saint-Exupéry (Louis Garrel) vont tout tenter pour le ramener vivant. L’histoire fut réellement vécue par l’écrivain; elle est ici transfigurée au rang de mythe fondateur. En témoignent cette longue écharpe ondoyante ou bien cette rencontre impromptue avec un enfant des montagnes, qu’on croirait réchappés du Petit Prince. Et surtout cette lumière irradiante, dont la beauté presque irréelle est un personnage à part entière – on peut mentionner le fabuleux travail de la cheffe opératrice Claire Mathon (L’Inconnu du lac, Portrait de la jeune fille en feu…) sur ce film. Et Pablo Agüero d’évacuer la littérature au profit de l’image et du son; du spectacle au sens le plus noble. Il renoue enfin avec la poésie expressionniste du cinéma muet, ses contrastes puissants et ses visages qui brillent dans l’obscurité.
 

Cet article est issu du Mag by UGC.
Saint-Ex, à découvrir actuellement au cinéma.