MONSIEUR LE MAIRE, BIENVENUE À CORDON
Dans ce premier long-métrage de Karine Blanc et Michel Tavares, Clovis Cornillac prête ses traits à Paul, maire d’un village menacé par la désertification, qui voit en l’arrivée d’une jeune chanteuse nommée Joe-Lynn (Eye Haïdara) l’espoir de faire revenir la vie. Tour d’horizon, en trois temps, sur un film à la portée fédératrice bienvenue.
UN FILM PROCHE DE SES AUTEURS
Leurs noms ne vous sont peut-être pas familiers, mais Karine Blanc et Michel Tavares tracent pourtant leur chemin dans l’audiovisuel depuis plusieurs années. Les deux compères, animés par un fort désir de création, se sont rencontrés sur les bancs du prestigieux cours Florent. De leur énergie commune naît une collaboration au long cours, dont ce premier film paraît être l’aboutissement. Après le théâtre, et la création d’un spectacle écrit et mis en scène à quatre mains, le duo aux multiples talents se lance finalement dans l’aventure du cinéma par le biais de la production. Une casquette qu’ils délèguent volontiers pour Monsieur le Maire, préférant se dédier entièrement à la réalisation et à l’écriture.
Un premier film a toujours une dimension éminemment personnelle pour son auteur, et celui du duo n’échappe pas à la règle. Le long-métrage a beau être librement inspiré d’une extraordinaire histoire vraie, il est d’abord né d’un souhait commun des cinéastes de créer une œuvre qui serait capable de "parler à l’enfant qu’[ils ont] été". Dès lors, quoi de plus logique pour deux enfants qui ont longtemps rêvé de cinéma, sans jamais penser pouvoir en vivre, que de créer des personnages aussi idéalistes et rêveurs que le sont Paul et Joe-Lynn ?
TOUT SUR MON MAIRE
Son titre en témoigne, Monsieur le Maire nous plonge dans le quotidien du personnage de Paul Barral, le maire (fictif) de la charmante (et bien réelle) petite bourgade de Cordon, située aux portes du Mont-Blanc. Pour incarner l’édile, les cinéastes ont fait appel à l’immense Clovis Cornillac. Un rôle qui sied parfaitement à l’acteur, qu’on retrouvait déjà sur les pistes enneigées du Mont-Blanc en février dernier – cette fois, dans la peau d’un professeur – en compagnie de Claudia Tagbo, dans Les Têtes givrées de Stéphane Cazes.
À la fois maire et patron de la scierie locale, Paul est confronté à la désertification croissante de sa commune, dont l’unique école menace de fermer, à cause du peu d’enfants inscrits. C’est en croisant la route de Joe-Lynn, une chanteuse de country en recherche d’un logement pour ne pas se voir retirer la garde de ses deux enfants, que lui vient l’idée de transformer les logements vacants de la commune en une structure d’accueil pour les femmes en difficulté.
En partant d’une situation bien réelle – inspirée d’une initiative menée par le maire du village ariégeois de l’Hospitalet-près-l’Andorre –, le film brosse ainsi le portrait d’un homme qu’on ne peut résumer à sa seule fonction. Il faut dire que Clovis Cornillac est bluffant dans ce rôle surprenant de réalisme. Les cinéastes expliquent s’être inspirés de plusieurs maires d’agglomérations rurales, mais aussi – et surtout – du propre père de Michel Tavares, auquel Paul emprunte une générosité, une ténacité et un pragmatisme à toute épreuve. On découvre alors un personnage à mille lieues de l’idée que l’on peut se faire d’un maire, qui surprend par son humanité autant que par sa capacité à être sur tous les fronts – quitte à faire passer les besoins de sa communauté avant les siens.
UN SUJET SOCIAL D’AMPLEUR
Impossible de parler de Monsieur le Maire sans évoquer l’une de ses forces motrices : sa portée sociale. En choisissant d'orchestrer la rencontre entre deux personnages que tout oppose, les réalisateurs et scénaristes évoquent à travers eux des problématiques sociales qui trouvent un écho retentissant dans notre actualité.
D’une part, la désertification des territoires ruraux, plus que jamais à l’ordre du jour; de l’autre, les violences faites aux femmes et les situations d’urgence qu’elles vivent. C’est dans ce dernier point que s’exprime toute la force du personnage d’Eye Haïdara, tendrement baptisé Joe-Lynn (l’ombre de Dolly Parton n’est pas bien loin), qui incarne avec conviction une femme éprouvée par la vie, mais qui jamais ne renonce. Créer un film aussi fédérateur que bienveillant, tel était le pari (réussi) d’un duo de cinéastes au regard tourné vers l’humain.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Monsieur le maire, à découvrir actuellement au cinéma.