En trois films, Sandrine Kiberlain a trouvé une place de choix dans le cinéma poétique et décalé de Bruno Podalydès. On s’est entretenu avec la pétillante actrice, qui nous a parlé de son amour pour les personnages « hors-cadre» et de sa joie à évoluer dans l’univers du cinéaste.

C’est votre troisième film avec Bruno Podalydès, après Comme un avion (2015) et Les 2 Alfred (2022). Quel est le secret de cette joyeuse collaboration qui se poursuit ?
Il y a une espèce de fil mystérieux dans ce métier, qui m’ épate à chaque fois, qui fait que quand on aime le cinéma de quelqu’un, cette personne vient à vous. Peut-être qu’on dégage quelque chose qui nous rassemble ; en l ’occurrence un humour commun, une façon de traiter les choses avec beaucoup d’autodérision, de délicatesse aussi... Je suis très heureuse de faire partie de la « famille » de Bruno [Podalydès]. Je trouve qu’on parvient à construire quelque chose de rôle en rôle, et je suis à chaque fois très curieuse de découvrir ce qu’il invente. J’espère avoir la chance de rester dans son monde. Pour moi, c’est une fierté, je suis honorée qu’il pense à moi en écrivant.

C’est aussi la troisième fois que vous partagez l’affiche avec Daniel Auteuil après Après vous… (2003) et Amoureux de ma femme (2018). Est-ce le fruit d’une heureuse coïncidence ou d’une véritable envie commune de vous retrouver devant la caméra ?
On s’apprécie beaucoup l ’un et l ’autre comme acteurs. C’est vrai qu’on a inspiré plus d’une fois le couple et le rapport amoureux à des metteurs en scène, pourtant tous très différents. Je pense que ce qui nous rassemble, c’est l’humour, la tendresse, l ’espèce de charme et le côté enfantin qu’a encore Daniel aujourd’hui.

Vous avez tourné avec beaucoup de cinéastes au cours de votre carrière. Selon vous, en quoi Bruno Podalydès est-il un réalisateur unique ?
Bruno a un univers, indéniablement. Tout ce qu’il est en tant que personne se retrouve dans ses films. Son côté observateur, solitaire, amoureux, bucolique, honnête... Intemporel aussi, parce qu’il pourrait tout à fait être un cinéaste de l’époque d’Alain Resnais, de Jean Renoir, de Jacques Tati... Il y a tout ça en lui. C’est aussi un réalisateur qui pense beaucoup au plaisir du spectateur. Il ne pense pas à faire pour plaire, mais quand on tourne avec lui, on sent qu’il construit ses films en pensant à ce qui peut nous donner du plaisir à faire, mais aussi à voir.

Vous campez le personnage de Justine, qui semble être un prolongement de celui que vous incarniez dans Les 2 Alfred. Qu’est- ce qui vous a séduit chez elle ?
Déjà , dans Justine, il y a le mot « juste ». Les prénoms des personnages m’informent toujours beaucoup sur leur personnalité. Si ces deux femmes ont quelque chose en commun, c’est le fait d’être fortes et courageuses. Ce sont des femmes spontanées. Mais elles sont aussi différentes, car dans Les 2 Alfred, Séverine est prise au piège d’un système, alors que Justine parvient à s’extirper très vite de sa situation pour en prendre le contrôle. C’est grâce à elle que tout prend corps, dans la façon dont cette troupe va mener cette espèce d’arnaque un peu sommaire, préparée comme un casse. Je pense que Bruno a un grand respect pour les femmes. Dans ses films, elles sont toujours à égalité avec les hommes. C’est un des rares cinéastes qui parvient à écrire des personnages féminins dans l ’action, qui prennent les choses en main et qui changent la donne.

Chez Bruno Podalydès comme ailleurs, vos rôles ont toujours quelque chose de l'ordre du fantasque et du décalé. Qu’est-ce qui vous attire là-dedans ?
Je crois que ça dépend des univers dans lesquels j'évolue. Cela dit, même dans les univers plus « graves » , comme chez Stéphane Brizé par exemple, je cherche toujours là où ça se brise, effectivement. Comme dans la vie, finalement. En général, mes personnages sont un peu bancals, et j’ai tendance à aimer revendiquer qu’on l’est tous. Quand on m’offre un personnage, je vais toujours chercher l’endroit où il est un peu border. Dans les comédies, c’est un rêve parce qu’on peut s’en donner à cœur joie, de telles situations ne manquent pas. Et plus on est sincère à cet endroit, plus on va provoquer le rire. Avec des cinéastes comme Bruno, les personnages peuvent atteindre des sorties de champ, des maladresses. C’est d’une grande impudeur, mais ç a m’attendrit vachement, parce que ça rend les personnages très attachants.

Cet article est issu du Mag by UGC.

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