L’HISTOIRE DE SOULEYMANE - UN EXILÉ À PARIS
Porté par le talent brut d’un acteur exceptionnel, ce film tourné dans un Paris méconnaissable, documente le quotidien d'un livreur à vélo sans papiers. Et brosse le digne portrait d'un esclave moderne, pris dans un engrenage sans fin.
Il pédale et pédale encore dans les rues de la capitale, qu’il pleuve ou qu’il vente. Une application de livraison de repas lui dit où se rendre et quand s'arrêter. Elle se fiche que Souleymane (Abou Sangare) soit un jeune guinéen sans papiers, contraint de travailler sous l’identité d’un obscur marchand de sommeil. Ils sont pourtant très nombreux dans son cas en France. Tout à la fois invisibles et omniprésents dans l’espace public, ces esclaves modernes ont attiré l'attention du cinéaste Boris Lojkine, dont les précédents Hope (2015) et Camille (2019) traitaient déjà la question de l’exil.
Et s’il s'agit bien d’exil, L’Histoire de Souleymane ne fait preuve d’aucun exotisme – bien au contraire. Depuis le regard du héros, la ville de Paris apparaît sous un jour hostile : lumière grise, portes d'immeubles, agitation urbaine participent d’un climat anxiogène et redoublent l’indifférence qu’essuie Souleymane. Tourné au milieu des passants, le bruit des klaxons et autres sirènes pour seule musique, le film se veut dépouillé de tout artifice ; une manière de prendre le spectateur entre quatre yeux, sur un mode immersif et donc moins sentimental que sensoriel. Quelques scènes suffisent alors à glacer le sang, tandis que Souleymane s'entraîne en voix off à l'entretien de demande d’asile qu’il s'apprête à passer.
EXTRAORDINAIRE ABOU SANGARE
Précieux sésame, l'asile n’est octroyé qu'à ceux dont les histoires collent avec un certain scénario ; libre au jeune héros de s’en inventer une plus conforme. À la violence de la rue s’ajoute celle d’une administration qu’il faut séduire, quitte à renier sa propre identité. Et Souleymane de devenir comme un fantôme hagard, sublimé par une caméra qui le dévore plein cadre. On salue l'interprétation d’Abou Sangare, repéré par hasard dans les rues d'Amiens, jeune mécanicien arrivé en France il y a plus de sept ans. Sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français avant la présentation du film à Cannes en mai dernier, sa situation n’est toujours pas régularisée à l’heure actuelle. Une trajectoire qui résonne avec le parcours de Souleymane, qui s'achève par une scène extraordinaire où soudain les masques tombent ; et avec eux nos larmes.
Cet article est issu du Mag by UGC.
L'Histoire de Souleymane, un film labellisé UGC Découvre, à découvrir actuellement au cinéma.