Acteur, réalisateur, mais aussi musicien, le charismatique Viggo Mortensen a bien plus d’une corde à son arc. Après Falling (2020), il investit avec brio le genre du western, dans un second long-métrage, dans lequel il donne la réplique donne la réplique à l’éclatante Vicky Krieps. Rencontre.

Pourquoi avoir voulu placer ce deuxième long-métrage dans le contexte du western ?
Tout a commencé par l'image de ma mère, cette jeune fille qui rêve et qui joue dans une forêt. Au fur et à mesure de l'écriture, c’est devenu l'histoire d'une femme libre et indépendante, qui, d'une certaine façon, repousse ses propres frontières. Il m’a semblé intéressant de placer une telle histoire dans un endroit, un moment historique où les frontières du pays étaient littéralement ouvertes, et où la société ne répondait à aucune loi, si ce n’est à celle des hommes.

Votre premier long-métrage comportait déjà des allusions discrètes au western. Quelle place tient ce genre dans votre construction en tant qu'artiste, en tant que cinéphile ?
Comme beaucoup d’enfants de ma génération, j'ai grandi avec le western. À l'époque, on pouvait voir de temps en temps un western au cinéma. Aujourd'hui, on n’en voit quasiment plus. Cette année, je crois qu'il y en a eu un peu plus que d’habitude, mais pas de là à parler d’un revival du western. Malgré ça, je pense que c’est un genre qui ne disparaîtra jamais, parce qu’il offre un cadre propice à une multitude d’histoires. J'ai beau aimer le genre, j'estime que la plupart des westerns classiques ne sont pas de bons films. Certains d’entre eux sont maladroits, voire naïfs , mais il s regorgent d'éléments – que ce soit au niveau de la performance, de l'écriture ou de la photographie – dont on peut tirer des leçons. Pour ce film, l’idée était de respecter les codes du western, autant visuellement que dans l’ écriture, à la différence près qu’une femme est au centre de l’histoire.

Comment votre propre désir de mise en scène s’est conjugué avec les influences que peuvent susciter les représentants du genre, à savoir John Ford, Sergio Leone, et même Clint Eastwood ?
Quand je réalise un film, je ne pense pas à tout ça. Ça ne m’aide pas à réaliser, je suis d’abord là pour raconter une histoire. Même si j’admire Sergio Leone, ça n’a pas été un modèle pour moi. Il faudrait plutôt chercher du côté du cinéma d'Howard Hawks. C'est-à-dire des films avec une photographie simple et élégante, centrés sur les personnages, qui parviennent à nous faire oublier la présence de la caméra.

Le personnage de Vivienne Le Coudy, incarné par Vicky Krieps, est central dans le film. Comment la décririez-vous?
Vivienne est une femme de son époque, ce n’est pas une super- héroïne comme on en voit dans les blockbusters. Elle incarne plutôt le courage quotidien. Je pense qu’elle est libre, comme pouvait l’être Albert Camus, par exemple. Ce que je veux dire par là, c’est qu’elle ose dire et penser ce qu’elle ressent. Malgré l’ événement tragique dont elle est victime, elle ne laisse, ni la honte, ni la peur, ni la pression sociale, lui dicter sa conduite. Pour moi, c’est ce qui fait d’elle une femme libre. Je voulais montrer une femme normale, qui fait preuve d’héroïsme dans sa vie quotidienne. Elle est imparfaite, comme l’est le personnage d’Olsen.

À travers la double culture de vos personnages, le film accorde une grande importance à la langue. Était-ce un moyen d’évoquer votre propre rapport au monde et au territoire ?
Un cinéaste m’a dit un jour : « Parle de ce que tu connais ». Au cours de ma vie, j’ai pu m’imprégner de différentes cultures et de leurs langues, et c’est ce qui me permet aujourd’hui d’en parler avec sincérité. Je ne voulais pas tellement parler de moi, mais plutôt montrer la société telle qu’elle était réellement à l’ époque, parce que c’est quelque chose que la plupart des westerns ne montrent pas. On est habitués à voir des personnages tout droit venus du Texas ou de Californie, mais jamais de personnages francophones, danois, chinois, hollandais… Je cherchais simplement à être précis d’un point de vue historique. Retranscrire fidèlement la variété de langues, d’accents, et de nationalités que l’on pouvait entendre dans le sud-ouest des États-Unis en 1860. C’est aussi important que de réussir à trouver un modèle de bottes qui ne soit pas anachronique.

Cet article est issu du Mag by UGC.

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