FRÈRES : ENFANTS SAUVAGES
Une bouleversante histoire vraie, un décor élégiaque aux confins du Québec, un magistral duo d’acteurs : Frères s’impose comme un grand récit sur l’enfance et les stigmates qu’elle nous lègue.
Il s’appelle Michel et on soupçonne difficilement l’enfance qu’il a vécue, au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Sa mère l’abandonne alors avec son frère Patrice. Livrés à eux mêmes, à l’âge de 5 et 7 ans, Michel et Patrice vont vivre – ou plutôt survivre – en forêt pendant sept ans, comme des milliers d’enfants laissés-pour-compte à l’époque. Une période d’extrême adversité, soustraite à la civilisation. Comment devenir un adulte comme les autres, après ça ? C’est la question posée par le cinéaste Olivier Casas, dans un film biographique, qui oscille constamment entre traumatismes du passé et difficultés du présent.
Avec une vraie force tranquille, le film oppose ainsi deux temporalités, comme les deux faces d’une même pièce. À savoir l’inconfort de deux frères, inadaptés depuis toujours à la société des hommes. Patrice (Mathieu Kassovitz) délaisse ainsi sa compagne, pour vivre en ermite dans les montagnes québécoises. Lorsque Michel (Yvan Attal) le rejoint en urgence, il trouve un homme déchu, à qui il faut redonner le goût de vivre. Réunis pour la première fois à l’écran, les deux acteurs irradient d’une présence qui se passe le plus souvent de mots ; ils ont rarement été dirigés avec tant de sensibilité.
THÉRAPIE DE COUPLE
Olivier Casas embrasse la complexité et la richesse du lien fraternel, sans jamais en passer par des stéréotypes ou des bouées scénaristiques. Droit comme une ligne claire, brut comme la roche et la neige qui entourent le chalet des frangins, le film se raconte par le biais du montage. La psychologie des personnages s’esquisse dans ces plis temporels, le long d’un récit volontairement elliptique qui fait la part belle au mystère. S’y devinent les failles de chacun, leurs traumatismes personnels et cet amour secret qui les lie, à la vie à la mort. Surtout, se pose une question brûlante et subversive : au fond, ces "années sauvages" ne furent-elles pas pour Michel et Patrice leurs plus belles années ? C’est toute l’ambiguïté du film, dans lequel deux frères courent après leurs souvenirs d’enfance, comme après un paradis perdu. Quitte à reproduire un schéma qu’ils n’ont jamais appris à déconstruire, pour le meilleur et pour le pire.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Frères, à découvrir actuellemeny dans nos cinémas.