FREMONT DOUCE MÉLANCOLIE
À travers le récit quotidien d’une réfugiée afghane paralysée par le syndrome du survivant, le réalisateur Babak Jalali signe un film tout en douceur, dans la droite lignée du cinéma de Jim Jarmusch.
En Californie, à deux pas de l'imposante Silicon Valley, se trouve la petite ville de Fremont, terre d’accueil de l’une des plus importantes communautés afghanes des États-Unis. C’est là que Donya (stupéfiante Anaita Wali Zada, qui partage une histoire proche de celle de son personnage), une ancienne interprète pour l’armée américaine en Afghanistan, a élu domicile, après avoir été forcée de quitter sa terre natale. Paralysée par la culpabilité d’avoir laissé sa famille derrière elle, Donya se contente d’une existence monotone, rythmée par un travail répétitif dans une usine de fortune cookies, et ses dîners quotidiens au restaurant afghan du coin.
Le film de Babak Jalali nous intrigue autant qu’il nous touche, parce qu’il a la particularité d’investir un territoire de cinéma qui paraît inédit et familier à la fois. Impossible, pour les adeptes du cinéma de Jim Jarmusch, de ne pas retrouver ici la tendre allure des pérégrinations de Willie, Eddie et Eva dans Stranger than Paradise (1984), ou celle de l’errance introspective d’Aloysious Parker dans Permanent Vacation (1980). Un rythme si particulier, que l’on retrouve dans la façon qu’a Babak Jalali de mettre en scène l’ennui et la solitude qui minent le quotidien de Donya.
DOMPTER LA SOLITUDE
Comme chez Jarmusch, le film dévoile, au fil d’une intrigue à la simplicité aussi désarmante qu’envoûtante, une attachante galerie de personnages cabossés, qui, à l’instar de Donya, se débattent chaque jour avec leur propre solitude. Il y a Joanna (Hilda Schmelling), la collègue de travail qui multiplie les blind dates dans l’espoir d’enfin rencontrer la bonne personne, le Dr. Anthony (Gregg Turkington, truculent), le psychiatre excentrique fan du roman Croc-Blanc, ou encore Daniel (Jeremy Allen White, star de la série The Bear), le mécanicien introverti croisé au détour d’un roadtrip impromptu. Autant de rencontres essentielles pour la jeune femme, qui lui permettent, chacune à leur manière, de mettre sa culpabilité de côté, pour enfin s’autoriser à vivre pour elle-même. Un beau film dont on ressort apaisé, poussé par l'envie dévorante d’apprivoiser la solitude.
Cet article est issu du Mag by UGC.
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