FALLING : LE SEIGNEUR DES DARONS
Dans Falling, sa toute première réalisation, Viggo Mortensen dissèque la relation houleuse entre un vieux fermier de l’Amérique profonde et son fils, qu’il interprète. Rencontre placée sous l’égide du patriarche.
Falling est inspiré de quelques-uns de vos souvenirs. Le personnage de Willis, votre père dans le film, fait forcément écho au vôtre ?
— Ils partagent plusieurs traits de caractère en commun, oui. On retrouve chez eux cette même inflexibilité et cette peur permanente face au changement. Mon père est né pendant la Grande Dépression, il a connu la guerre, l’occu - pation allemande au Danemark. Tout ça l’a beaucoup remué. Je pense que les hommes de sa génération n’étaient pas prêts pour les changements qui sont survenus pendant les années 60 et 70. Et c’est typiquement ce qu’il se passe avec Willis dans le film. Il ne parvient pas à s’acclimater à l’époque actuelle, d’où son côté très borderline.
Sverrir Gudnason joue une version jeune de Willis. Et il vous ressemble beaucoup…
— C’était important qu’il y ait cette ressemblance pour la structure du film. Avec les flashback, on passe constamment de Sverrir (Willis jeune) à moi puis à Lance (Willis vieux). Il fallait que le spectateur s’y retrouve et ça passe par le physique. C’est ma compagne qui m’a parlé de Sverrir pour la première fois après l’avoir vu dans un film. Elle était troublée par notre ressemblance. Quand je l’ai vu jouer, ça m’a fait quelque chose aussi. Ce n’était pas juste physique, nous avions la même façon de bouger, de marcher… La même présence.
Le rôle du patriarche colérique est joué par Lance Henriksen, second couteau culte des 80’s/90’s, un peu disparu des radars depuis. En quoi était-ce une évidence ?
— Je n’avais personne en tête pendant l’écriture du film. J’ai pensé à lui après coup, mais aussi à d’autres acteurs comme Richard Jenkins, que j’adore. Mais il n’était pas assez vieux et coûtait surtout trop cher (rires). Lance avait l’âge, le visage, la voix et la présence parfaite pour ce personnage très intense. Je lui ai envoyé le scénario et il a tout de suite aimé ce vieillard écorché vif. Pour l’incarner, il a repensé à son enfance difficile dans les rues de New York, avec un père alcoolique et absent. C’est un acteur qui cherche toujours la vérité dans ses personnages. Ça, je le savais puisque j’avais déjà joué avec lui dans Appaloosa et que j’avais adoré cette expérience.
C’était nécessaire de choisir un acteur avec qui vous aviez déjà une certaine connexion émotionnelle pour jouer votre père ?
— Pas nécessaire, mais je dirais que ça a pas mal aidé. Notre relation est surtout devenue fusionnelle après que je l’ai pris pour le rôle. En partie parce qu’on a passé beaucoup de temps ensemble avant le tournage pour faire quelques ajustements sur le scénario. Cette com - plicité était la béquille nécessaire pour nos scènes communes, qui sont normalement les scènes les plus mémorables du film. S’il n’y avait pas eu d’alchimie entre nous deux, c’est tout le film qui tombait à l’eau.
Julia Mothu