UGC M : OUISTREHAM
Ouistreham est le troisième film d'Emmanuel Carrère, après le documentaire Retour à Kotelnitch en 2003 et La Moustache (adapté de son propre roman) en 2005. Il s'agit de l’adaptation libre du livre Le Quai de Ouistreham, récit autobiographique de la journaliste Florence Aubenas. Pendant plusieurs mois, elle est entrée dans la peau d’une femme d’une quarantaine d’années, sans formation et sans expérience professionnelle, en tant que femme de ménage des ferries assurant la liaison entre Caen-Ouistreham et Portsmouth, d'où le titre de l'ouvrage. Pour ce livre, Florence Aubenas a reçu le prix Jean Amila-Meckert 2010, le prix Joseph-Kessel et le Globe de Cristal 2011, catégorie « littérature et essai ».
Emmanuel Carrère raconte le long chemin qui a été nécessaire pour convaincre Florence Aubenas d'adapter son œuvre au cinéma : "Pendant longtemps, elle ne voulait pas que son livre soit adapté. Beaucoup de gens s’y sont intéressés, mais devant sa réticence, ils se sont lassés. Juliette Binoche, qui avait envie de jouer le rôle principal, a fait preuve de sa ténacité habituelle : elle l’invitait à dîner tous les ans en lui demandant : « Quand est-ce qu’on le fait, ce film ? » Et un jour, Florence Aubenas – je n’ai toujours pas bien compris pourquoi – a cité mon nom, en disant qu’il lui paraissait intéressant que je sois associé au projet.".
Écrivain de profession, Emmanuel Carrère décrit son retour au cinéma, et sa relation particulière au rôle de réalisateur et à la mise en scène : "J’ai aimé faire les deux films que j’ai réalisés, l’un documentaire, l’autre de fiction, et celui-là, c’est un drôle de mélange des deux : à partir d’un matériau documentaire, au lieu de se superposer au reportage, il y a un éloignement, une façon de se déporter vers la fiction. Nous nous sommes accordés sur une mise en scène classique et discrète, en nous disant que c’était le meilleur moyen d’attraper le maximum de l’interprétation. Et mon chef opérateur Patrick Blossier a souvent des idées merveilleuses. Il a insisté, par exemple, pour que je demande aux producteurs ces deux choses assez exceptionnelles : une journée de brouillon au début du tournage, une journée de ratures à la fin. Avant le premier jour de tournage, on a fait une fois, à blanc, d’un bout à l’autre, la scène de Pôle Emploi. Et on avait – prévue à la fin et sanctuarisée – une journée hors plan de travail pour faire ce qu’on voulait, des choses qui nous manquaient et qu’on pensait avoir ratées…".
Juliette Binoche, initiatrice du projet il y a déjà des années, raconte son arrivée sur le projet : "Mon père était à l'agonie, je suis arrivée sur le tournage cassée et épuisée. C’est dire que j’étais immédiatement au diapason physique et mental que je devais traverser dans le film, et les femmes qui jouaient dans le film l’ont immédiatement senti.". Elle raconte également sa volonté d'incarner un personnage à l'opposé de sa position sociale : "Il n’y a pas de culpabilité à avoir, le but c’est de faire comprendre la vie de ces quasi-esclaves domestiques et si possible de changer les consciences sur leur condition misérable. C’est exactement ce qui s’est passé avec le livre de Florence qui heureusement a été un grand succès et qui je pense, j’espère, a fait évoluer la condition des gens de ménage. Rendre visibles les invisibles.". La comédienne raconte également le lien spécial qu'elle a créée avec les autres actrices (non-professionnelles) du film, de l'appréhension des débuts à la franche camaraderie à la fin de cette aventure : "J’ai passé beaucoup de temps à discuter avec ces femmes. [...] Avant de tenir un rôle, mon rôle c’était de m’occuper de ces quelques femmes pour les rassurer et les convaincre qu’elles étaient tout à fait capables d'endosser la responsabilité heureuse de montrer les arrières-mondes de leurs métiers, un peu comme on apprend à quelqu’un à danser. Hélène Lambert, Léa Carne, Emily Madeleine, Evelyne Porée, etc. Elles sont toutes formidables. [...] Et puis surtout elles m'ont appris que même au fin fond de la misère, il y a un besoin d’amitié, de déconnades, d’éclates. Ensemble, on a beaucoup ri.".
Synopsis : Marianne Winckler, écrivaine reconnue, entreprend un livre sur le travail précaire. Elle s’installe près de Caen et, sans révéler son identité, rejoint une équipe de femmes de ménage. Confrontée à la fragilité économique et à l’invisibilité sociale, elle découvre aussi l’entraide et la solidarité qui unissent ces travailleuses de l’ombre.
Ouistreham, un film labellisé UGC M, à découvrir dès maintenant dans nos cinémas.