PRÉSIDENTS : SOUDAIN LE VIDE

Contrairement à La Conquête, Présidents dépeint un Nicolas Sarkozy condamné au farniente et à la retraite anticipée. Et évidemment tout le monde a envie de voir ça.

En retrait de la vie politique depuis son échec à la primaire de 2017, Nicolas Sarkozy n’a en revanche jamais quitté la sphère médiatique du pays - parfois à son corps défendant. Ainsi, depuis qu’il a quitté l’Elysée son destin est devenu une obsession commune pour les habitants de ce pays. Prouesse : cette fascination s’exerce de manière aussi vigoureuse chez ses adorateurs que ses contempteurs. Mais ceci n’a rien d’un hasard. Puisqu’il avait décidé d’être le contraire d’un « président normal », et cela avant même que le concept soit théorisé par son successeur, alors Nicolas Sarkozy ne nous pas laissé d’autres choix que de le scruter, de l’analyser, de le commenter. Et par conséquent de le romancer. 

C’est arrivé très vite : en 2011, alors que le nouveau président n’est en poste que depuis quatre ans, sort La Conquête de Xavier Durringer, récit plus ou moins fidèle, et plus ou moins satirique, racontant sa prise de pouvoir. Alors qu’on sait que, par prudence ou par principe, le cinéma français n’a toujours traité les grandes figures du pays qu’avec beaucoup de recul (De Gaulle a, par exemple, dû attendre 50 ans pour avoir droit à son biopic), tout d’un coup tous les principes de précaution volait en éclat. 

C’est comme si Sarkozy avait encore réussi à imposer à son agenda speedé et réformateur à tous, et même à notre exception culturelle. Indubitablement, le maître des horloges c’était lui et personne d’autre.

Dix ans plus tard rebelote : Présidents d’Anne Fontaine se propose de nous raconter à nouveau (et avec une bonne grosse part de fantasme cette fois) le quotidien de Nicolas Sarkozy -  comme si chaque acte de sa vie méritait au fond son long-métrage. Il est donc désormais retiré des affaires politiques et goûte à une retraite tranquille. Encore une fois, le film devient un évènement médiatique en un claquement de doigt, surtout que l’ancien patron des Républicains est interprété par la plus grande star française du moment, Jean Dujardin. Il faut néanmoins noter que dans les faits, Présidents n’est pas un portrait, plutôt une sorte de buddy-movie, puisque le titre est au pluriel et qu’il y est question d’un binôme Hollande/Sarkozy qui est mis en place pour contrer l’extrême droite. Mais pas la peine de se voiler la face, ce que tout le monde veut voir ici c’est le successeur de Chirac s’adonner à un plaisir qui semble peu adapté à sa nature empressée : l’oisiveté. Et c’est évidemment très amusant. Plus qu’à attendre désormais le troisième volet d’une éventuelle trilogie Sarkozy, dont on se demande quel genre de cinéma il abordera : Thriller ? Espionnage ? Comédie musicale ? 

En attendant, on sait qu’on tient ici la figure historique dont le cinéma français avait besoin.

Jean-Michel Lassault