SANS UN BRUIT 2 : C’EST DU POLLY !
Plus stressant, plus efficace, plus impressionnant, Sans un bruit 2 permet aussi de faire connaissance avec Polly Morgan, chef opératrice surdouée qui redéfinit ici, avec beaucoup d’aplomb et de personnalité, le style de la franchise horrifique.
Toujours réalisé par le très surprenant John Krasinski (acteur, auteur, scénariste, mais pas forcément dans cet ordre-là) Sans un bruit 2 change de look en même temps que d’échelle. Le premier était une série B à moins de 20 millions de dollars qui avait performée au tiroir-caisse comme un gros blockbuster. La suite s’offre donc les moyens de ses nouvelles ambitions et triple son budget en s’autorisant à voir les choses en beaucoup plus grand.
Exit donc l’excellente, Charlotte Bruus Christensen, chef opératrice danoise, qui avait notamment bossé pour Thomas Vinterberg, au style très cru, très réaliste et finalement très européen. Faites place à la rookie Polly Morgan à l’imagerie un peu plus extravagante, un peu plus hollywoodienne (même si elle est aussi européenne, et en l’occurrence britannique) un peu plus « bim dans tes dents ». Un choix synonyme, non pas de réinvention, mais de renouveau, pour cette nouvelle franchise qui semble carburer aux enjeux esthétiques, et dont un spin-off réalisé par Jeff Nichols (Take Shelter, Midnight Special…) est d’ores et déjà sur les rails.
Malgré la patine un peu plus « blockbuster » de son style donc, choisir Polly Morgan pour éclairer ce projet de cette envergure n’avait pourtant rien d’une évidence. Plus connu pour son travail à la télévision qu’au cinéma, elle est la disciple attitrée de Michael Goi, l’un des chef ops les plus réclamés de l’industrie télévisuelle américaine (il a notamment défini le look de certains hits estampillés Ryan Murphy comme Glee ou American Horror Story). Bien qu’elle ait travaillé sur quelques productions indés/Sundance pour le grand écran, Morgan se fera surtout remarquer pour son travail éblouissant sur Légion, série comic-book et volontiers arty imaginé par Noah Hawley (l’homme derrière la série Fargo). Et lorsque ce même Hawley a l’occasion de réaliser son premier long pour le cinéma, Lucy In the Sky avec Natalie Portman, c’est Polly Morgan qu’il choisira sans hésiter comme directrice de la photo. Pas de chance, la trajectoire du film sera pour le moins compliqué, et il ne sortira même pas en salles chez nous. Ca n’aidera pas à la reconnaissance du talent de Morgan qui a réussi des choses véritablement prodigieuses sur ce film certes imparfait.
Reste que les professionnels de la profession l’adoubent tous très vite et qu’elle peut se targuer aujourd’hui d’être la seule femme au monde à être à la fois membre de la British Society of Cinematographers ET de l’American Society of Cinematographers, ce qui n’est pas tout à fait un mince exploit dans ce monde peuplé de mâles plus ou moins dominants.
Sans un Bruit 2 où sa virtuosité technique affole dès la première séquence, est clairement son passeport pour Hollywood, la reconnaissance et les Oscars. L’imagerie du grand cinéma américain des années 20 passera clairement par cette jeune quadra venue du petit écran. Les paris se prennent ici et maintenant.
Jean-Michel Lassault