NOBODY : DIS-MOI WICK !
Un John Wick en banlieue pavillonnaire, c’est possible ? Tout à fait, d’ailleurs ça s’appelle Nobody et c’est imaginé par les (quasi) mêmes que John Wick.
C’est l’histoire d’un gentil papa tout à fait anonyme qui se transforme soudainement en bête sanguinaire, dézinguant méthodiquement chaque membre d’un vaste réseau de mafieux russes. Le twist c’est que le papa en question n’a pas tout à fait le physique de Chris Hemsworth puisque c’est Bob Odenkirk, que vous aimez tous depuis au moins Breaking Bad, qui l’interprète. Voilà donc le vrai concept du film : transformer en star d’action survoltée un quasi sexagénaire au physique parfaitement anodin. C’est une idée amusante, presque transgressive, d’autant plus qu’elle est parfaitement tenue, et qu’elle parvient, assez brillamment, à transformer des décors tristement quotidiens (une maison de retraite, un bus de nuit, une petite usine anonyme) en véritables arènes de combats gorgées de hi-kicks et d’ultra violence. Cramponné à son héros solitaire et invincible, Nobody ressemble à une sorte de version pavillonnaire de John Wick. La déclinaison est d’autant plus évidente que le film est écrit par son scénariste et produit par l’un de ses deux co-réalisateurs, le désormais incontournable David Leitch.
D’abord doublure, directeur des cascades, ou réalisateur de seconde équipe, Leitch a écumé pendant de longues années tous les rôles secondaires de l’industrie. Il a eu le temps de conceptualiser et de mettre en application un style d’action très spectaculaire, très direct, très brutal qui fera à la fois le succès de John Wick et l’imposera comme le nouveau modèle du cinéma d’action contemporain (un peu comme le fut Matrix, avec le même Keanu Reeves à la fin des 90’s).
Si l’autre co-réalisateur du film, Chad Stahelski, est resté cramponné à la franchise (réalisant, en solo cette fois, les épisodes 2,3 et bientôt 4), David Leitch, lui, s’en est vite émancipé pour devenir l’artisan hollywoodien en chef du « film de grosse bagarre ». Ont donc suivi des petites douceurs très raffinées comme Atomic Blonde (2017), Deadpool 2 (2018) et Hobbs & Shaw (2019).
Son prochain film, intitulé Bullet Train, organisera la rencontre entre cinq tueurs à gages qui se canarderont dans un TGV lancé à toute allure. Pour l’occasion il a eu le privilège de faire appel à Brad Pitt, dont il fut longtemps la doublure, ce qui lui donnera l’occasion d’observer le chemin parcouru et d’affirmer qu’il est devenu désormais un réalisateur A-list.
En attendant, au rayon B, on peut s’amuser devant Nobody, que David Leitch ne fait que produire, mais dont il a clairement défini le rythme, l’esthétique et le degré de férocité. On n’a pas fini de mesurer l’influence de ce garçon sur le divertissement de notre époque.
Jean-Michel Lassault