Après Teddy (2021) puis L’Année du requin (2022), deux comédies horrifico-fantastiques sorties coup sur coup, les jumeaux Boukherma ont prouvé qu’ils avaient du chien. Ce n’est pas leur adaptation du prix Goncourt 2018 signé Nicolas Mathieu qui le contredira, fresque élégiaque qui marche dans les pas de L’Amour ouf et ses hardis producteurs. Rencontre.

Vous affirmez vous reconnaître dans le best-seller de Nicolas Mathieu. D’où venez-vous ?
Zoran Boukherma : Nous sommes nés près d’Agen, dans le Lot-et-Garonne. Dans Leurs enfants après eux, Anthony trompe son ennui par la moto et les rendez-vous avec Stéphanie ; nous, nous trompions le nôtre en écrivant de petits films. Rêver de cinéma, c’était avant tout rêver d’ailleurs. Au fin fond d’un village d’à peine mille habitants, il n’y avait aucune chance que ça marche… et pourtant ! Quelqu’un m’a parlé de l’École de la Cité, initiée par Luc Besson; j’ai candidaté sans y croire et j’ai finalement été pris, tandis que Ludovic a étudié à la fac. On a tourné très tôt et très vite, sans argent ; c’était une nécessité, puisque nos parents ne pouvaient pas nous soutenir financièrement.

Pour la première fois, vous vous retrouviez avec un budget très conséquent de 12 millions d’euros ; qu’est-ce que ça change ?
Ludovic Boukherma : Tourner une scène avec une équipe de 120 personnes et 9 camions dès le premier jour, c’est impressionnant ! Pour être honnête, c’était plus facile à mettre en scène puisqu’on n’avait aucune contrainte matérielle. L’envie initiale des producteurs Hugo Sélignac et Alain Attal, du coproducteur Gilles Lellouche, de l ’ écrivain Nicolas Mathieu et par extension la nôtre, c’était de proposer un film généreux dans ses effets. On voulait y insuffler la force des films américains avec lesquels on a grandi, tout comme Nicolas Mathieu a puisé dans le polar, le thriller, le western, pour les transposer à cette France rurale.

Le cinéma de genre est omniprésent dans Leurs enfants après eux, via ce père inquiétant campé par Gilles Lellouche…
Z. : Oui, bien que les « monstres » du film n’en soient jamais totalement ; ce sont tous des gens brisés à leur échelle. Leur corps porte les stigmates d’une violence qu’ils subissent eux-mêmes : le déclassement, la misère sociale, etc. Le père, c’est un type violent qui se mure progressivement dans le silence ; son alcoolisme l’abîme, littéralement.

C’est un film effectivement très corporel, ne serait-ce que via ses jeunes acteurs. Paul Kircher a un physique très singulier ; pourquoi l’avoir choisi ?
L. : Paul est très différent de l’Anthony du livre, trapu et bagarreur ; lui est plutôt rêveur, lunaire comme nous pouvions l’être à l’adolescence. On trouvait intéressant de l’opposer à un autre acteur très doux [Sayyid El Alami, ndlr] pour accentuer l’incongruité de leur violence mutuelle. Ce ne sont pas des violents de nature, mais de circonstance.

Comment avez-vous transposé cinématographiquement l’ennui de cette jeunesse-là ?
L. : Malgré sa grandiloquence, le film est irrigué par une certaine lenteur. Plus il avance et plus il est silencieux, plus son rythme s’ étire. On passe d’une intrigue très conflictuelle à une chronique de plus en plus minimaliste. C’est assez déroutant, mais c’est aussi le rythme du livre : à mesure qu’on progresse dans les étés 1994, 1996, 1998, ils réduisent. Il y a cette idée du temps qui passe de plus en plus vite à mesure que l’on grandit. 

La dramaturgie passe moins par les dialogues que par l’ambiance, le contexte à la fois musical et géographique du film…
Z. : Iron Maiden, les Red Hot Chili Peppers… c’est la musique des personnages ! Jalonner le film de ces références communes, c’ était universaliser cette histoire. L’enjeu, c’était de faire cohabiter ces musiques avec une bande originale composée par Amaury Chabauty. Il a eu l’idée d’orchestrer des reprises de classiques populaires comme Where Is My Mind ou I Will Survive, pour créer un lien organique entre les deux.
L. : D’une tout autre manière, l’usine sidérurgique de Hayange nous a permis de valoriser le passé industriel de la région sans avoir besoin de l’expliquer. Là-bas, tout est construit autour de ces hauts fourneaux… alors même qu’ils sont éteints.

Qu’est-ce qui vous a marqué à Hayange, où vous avez tourné ?
Z. : Je me souviens surtout de ces femmes âgées, dont les époux étaient tous décédés ; leurs hommes se sont tué la santé dans cette usine. Sa fermeture est à la fois un soulagement et un fardeau pour la ville, puisqu’elle favorisait une solidarité de classe qui n’existe plus. C’est ce que raconte le film : le début de cette scission artificielle entre enfants d’immigrés et de « Français de souche », malgré leur appartenance au même monde, au profit de l’extrême-droite.
 

Cet article est issu du Mag by UGC.
Leurs enfants après eux, un film labellisé UGC Aime, à découvrir actuellement au cinéma.

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