LE CHOIX : À VIVE ALLURE
Vincent Lindon éblouit dans ce huis clos en forme de tragédie moderne, où un entrepreneur en construction voit sa vie basculer le temps d’un trajet en voiture. En résulte un film d’une efficacité redoutable.
Il y a dix ans, un film britannique indépendant faisait sensation. Écrit et réalisé par Steven Knight, il reposait sur un pari simple : faire tenir un film entier sur les réverbérations d’une route nocturne et le visage d’un acteur, Tom Hardy. Dix ans plus tard, le cinéaste Gilles Bourdos (Espèces menacées) lui substitue celui d’un monstre sacré du cinéma français : Vincent Lindon. Même trame, même concision : l’histoire d’un entrepreneur modèle nommé Joseph Cross qui, la veille d’un chantier important, plaque tout pour se rendre auprès d’une femme sur le point d’accoucher. Une décision sur laquelle il ne reviendra pas, tandis qu'épouse et patron le sollicitent au téléphone…
Véritable huis clos, Le Choix se vit dans une voiture comme l'arène d’un grand théâtre. Mais un théâtre au sens antique du terme, où se jouerait une tragédie des temps modernes. C’est dire que Joseph Cross est un homme de bâtiment, de construction. On devine qu’il a « bâti » son statut et sa vie de famille privilégiés, tout comme il s’apprête à piloter un chantier d’envergure. Comment prendre alors le risque de tout déconstruire, dans un monde où il faut coûte que coûte sauver les apparences ? Un « choix » proprement insensé, voire suicidaire, assumé par cet antihéros. Reste qu’il faut bien s’expliquer, trouver les mots ; c’est l’enjeu moral d’un film où jamais l’on ne se défile.
LINDON MAGISTRAL
Pour porter un tel programme, Vincent Lindon est l’interprète idéal. Il fallait bien en trouver un capable d’absorber l’ écran, d’exprimer des émotions à la fois profondes et profondément intérieures. C’est tout l’art d’un acteur habitué aux rôles de composition, depuis La Moustache (2005) à la Palme d'or Titane (2021), en passant par Pater (2011) et autant d’emplois à la limite de l’abstraction. Dans chacun d’eux, sa seule présence suffit à émouvoir et même à transcender les situations. Dans Le Choix, il peut aussi compter sur des partenaires « audio » qu’on s’amuse à reconnaître au bout du fil. Emmanuelle Devos, Pascale Arbillot, Micha Lescot, Grégory Gadebois et le jeune Milo Machado-Graner accomplissent d’ailleurs un autre genre de prouesse : remplir le film de leur voix tantôt inquiète, tantôt désespérée. Mais toujours habitée.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Le Choix, à découvrir actuellement au cinéma.