LE ROYAUME : CE QUI EST À NOUS
Présenté dans la section Un certain regard du 77e Festival de Cannes, le premier long-métrage du Corse Julien Colonna explore l’évolution d’une relation père-fille sur fond de guerre de clans mafieux.
Dans le sillage du cinéma de Thierry de Peretti et de sa manière toute particulière de filmer la Corse, une nouvelle génération de cinéastes s’emparent de la fascination qu’exerce ce territoire fantasmé. C’est le cas de Julien Colonna, qui, loin de la représentation de carte postale et de la glorification de la violence, met en scène l'île de Beauté à travers les yeux perçants de son héroïne, Lesia (Ghjuvanna Benedetti), et la relation qu’elle entretient avec son père (Saveriu Santucci). Co-écrit avec Jeanne Herry (réalisatrice du très beau Je verrai toujours vos visages), Le Royaume est un premier film d’une délicatesse absolue, porté par une troupe d’acteurs (professionnels et non-professionnels) d’un grand talent. Chronique d’une adolescence corse, le film prend d’abord les atours d’un coming of age movie ordinaire. Lesia vit avec sa grand-mère, arpente les plages avec ses amis, et vit ce qui semble être son tout premier amour. Mais très vite, ce doux quotidien se teinte d’une étrange couleur, alors qu’un inconnu à moto récupère la jeune fille pour la mener dans un lieu mystérieux. C’est là que vit son père, recherché par la police depuis plusieurs années, aux côtés des hommes de son clan. Là-bas, la ligne de téléphone est coupée, le contact avec l’extérieur est prohibé. Lorsqu’un événement tragique survient, Lesia doit faire un choix : doit-elle rester auprès de son père, ou continuer à ignorer sa double vie, au risque de rompre définitivement leur lien ?
L’HÉRITAGE DE LA VIOLENCE
À mi-chemin entre la tendresse mélancolique d’Aftersun (2023) et les éclats de violence brute propres au genre du film de mafieux, le film de Julien Colonna surprend surtout par l’extrême douceur avec laquelle il enveloppe ses personnages – pourtant jamais célébrés, ni encouragés. Au contraire, le film s’attache à montrer les conséquences d’un tel chemin de vie, et principalement la manière dont les femmes (les mères, les épouses, les filles) en sont les premières victimes collatérales. Et ainsi d’explorer l’héritage de la violence, la difficulté de stopper l’engrenage. Reste alors le royaume, ce lieu métaphorique et éphémère que Lesia et son père auront réussi à construire, le temps d’une cavale qu’on aurait aimé ne jamais voir s’achever.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Le Royaume, un film labellisé UGC Découvre, à découvrir actuellement au cinéma.