LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE - LIBERTÉ, ELLES CRIENT SON NOM
Tournée clandestinement dans le sillage du mouvement « Femme, Vie, Liberté» en Iran, auréolée d’un Prix spécial du jury au Festival de Cannes, cette fresque charge frontalement le pouvoir iranien et son système. Elle sacre enfin Mohammad Rasoulof comme une voix héroïque du cinéma mondial.
À Cannes, se faisait entendre le souffle inquiet du public avant la projection : l’Iranien Mohammad Rasoulof serait- il bien présent ? Quelques jours auparavant, on annonçait sa fuite hors d’un pays qui le condamnait injustement à huit ans de prison – au motif qu’il est un artiste critique du régime. Un pays qu’il avait toujours refusé de quitter, quand bien même ses films y étaient sévèrement censurés. C’est d’ailleurs depuis la prison d’Evin à Téhéran, où sont enfermés les opposants politiques, qu’il a pris connaissance du mouvement des femmes enclenché après la mort de Mahsa Amini, fin 2022. Face au courage de cette jeunesse rebelle, une évidence: il tenait là son prochain film. Le tout au prix d ’un tournage clandestin, au même titre que son sublime Le Diable n’existe pas (2021), soumis à des précautions draconiennes pour échapper aux autorités. Entre équipe ultra réduite et direction d’acteur à distance, voire depuis le coffre d’une voiture pour un cinéaste soucieux de n’ éveiller aucun soupçon, Les Graines du figuier sauvage a finalement éclos. Le talent de Rasoulof n’en est pas moins reconnaissable : sa rigueur sociologique couplée à un lyrisme aux frontières du fantastique ; une manière de signifier le surréalisme du pouvoir en place. Son horreur aussi, qui s’immisce jusque dans la sphère intime.
UNE OFFENSIVE HISTORIQUE
Le film s’ouvre ainsi sur les couloirs kafkaïens de l’institution judiciaire, où un père de famille (Missagh Zareh) vient d’être promu juge. Éclate alors le mouvement des femmes, dont ses deux filles Rezvan (Mahsa Rostami) et Sana (Setareh Maleki) sont solidaires ; au grand dam de leur mère, campée par Soheila Golestani, également emprisonnée en 2022. Tandis que l’incompréhension s’installe, l’autorité du père et du juge est peu à peu remise en question. Et le cinéaste de remonter aux racines du pouvoir comme on remonterait aux racines du mal, quitte à plonger dans un cauchemar digne du Shining (1980) de Kubrick. Frontal, le discours critique du récit trouve enfin son paroxysme dans des images cette fois bien réelles ; celles tournées par des centaines d’amateurs pendant les manifestations, dont la puissance est comme décuplée par le grand écran.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Les Graines du figuier sauvage, un film labellisé UGC Aime, à découvrir actuellement au cinéma.
