UN HABITUÉ DU CINÉMA

Avant Ridley Scott, nombreux sont les cinéastes à avoir tenté de mettre en scène le destin hors du commun de Napoléon. Pour trouver la trace du tout premier film jamais réalisé sur l’empereur, il faut remonter jusqu’en 1897, date à laquelle le public de l’époque découvre Napoléon et la sentinelle de Georges Hatot. D’Alice Guy (Napoléon et le grognard) à Antoine de Caunes (Monsieur N), en passant par Sacha Guitry (Napoléon) et Youssef Chahine (Adieu Bonaparte), peu de figures historiques auront autant inspiré les cinéastes d’hier et d’aujourd’hui. Rien de bien étonnant pour un homme qui, de son vivant, n’a jamais cessé d’écrire sa propre légende.

Sur les quelques centaines d’œuvres (plus de 700 au total) qui donnent à voir les mille et une facettes du stratège et du conquérant, impossible de ne pas évoquer le Napoléon (1927) d’Abel Gance, pierre angulaire de cet édifice cinématographique. Soit une fresque biographique monumentale d’une durée record (5h30 !), qui achèvera de classer son auteur ainsi que son acteur principal, Albert Dieudonné, dans le panthéon de l’histoire du cinéma. Côté projets avortés, on peut également citer le Napoléon de Stanley Kubrick, œuvre fantôme à l’ambition démesurée, que le cinéaste a longtemps tenté de défendre auprès des producteurs, et dont le script doit être prochainement adapté sous forme de série par Steven Spielberg. La preuve que Napoléon n’a pas encore fini de faire parler de lui sur les écrans.

UN PASSIONNÉ AUX COMMANDES

Si l’idée d’un Napoléon "américain" pouvait froisser en France, le nom de son réalisateur a vite fait consensus. En témoigne sa filmographie tout terrain, que d’aucuns se sont amusés à classer chronologiquement depuis le Moïse de 1300 avant notre ère... jusqu’au vaisseau spatial de l’an 2122 ! C’est la preuve que Sir Scott – il fut anobli par Élisabeth II – ne craint pas d’affronter l’histoire. 

Une passion qu’il a mis à profit dès son premier film, Les Duellistes, en 1977. Chef-d’œuvre qui rendait déjà hommage à la France de 1800, à la veille du couronnement napoléonien. On y trouve deux hussards qui se livrent un duel à l’ épée. Après un virage à 180° dans le temps avec Alien (1979) puis Blade Runner (1982), Scott réaffirme son goût pour l’épique avec 1492 : Christophe Colomb (1992) et surtout le culte Gladiator (2000), péplum au cœur de l’arène antique. Un énième chef-d’œuvre et cinq Oscars en poche, il s’attaque au Moyen-Âge avec Kingdom of Heaven (2005), fresque sur la troisième croisade, puis une relecture historique de Robin des Bois (2010); deux films où apparaît la figure du roi Richard Cœur de Lion. Il renoue ensuite avec la France dans Le Dernier duel (2021), consacré au combat d’une femme violée en 1386. Un film qui s’achevait par une scène de duel à cheval, parmi les plus intenses qu’on ait pu voir au cinéma.

JOAQUIN PHOENIX IMPÉRIAL

Non content d ’avoir trouvé son réalisateur, le projet nécessitait un Napoléon à la hauteur. Qui donc pour l’incarner ? Ridley Scott respecte trop l’histoire pour s’abîmer dans la glorification aveugle. En témoigne son curieux déclic lors du visionnage de Joker (2019), avec Joaquin Phoenix dans le rôle-titre. Face à ce personnage ambivalent à l’extrême et très inquiétant, Scott est ébloui : ce sera Phoenix ou rien. Un acteur qu’il connaît pour l’avoir dirigé dans Gladiator, où il incarnait l’antagoniste Commode. Le choix semble tout trouvé, tant Phoenix s’est lui-même imposé comme un mastodonte du septième art. Fort de collaborations avec Scott mais aussi Gus Van Sant, James Gray, M. Night Shyamalan, Paul Thomas Anderson ou Jacques Audiard, tous s’accordent à dire qu’il n’est pas un acteur comme les autres. À l’occasion des Frères Sisters (2018), Audiard en parlait d’ailleurs comme d’un "génie" qui ne se considère pas comme un "acteur professionnel" mais cherche au contraire l’intuition et l’inattendu. Mais sur Napoléon, le rôle lui semblait si vertigineux que, d’après Scott, Phoenix était pétri de doutes jusqu’à quelques semaines avant le tournage. Au point de faire réviser entièrement son script au cinéaste ! L’acteur aurait ainsi été rassuré – et le film encore plus ambitieux.

Cet article est issu du Mag by UGC.

Napoléon, un film à découvrir actuellement au cinéma.

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