LE GARÇON ET LE HÉRON, MIYAZAKI EN ÉTAT DE GRÂCE
Attendu depuis des années, le dernier bijou d’animation signé Hayao Miyazaki est enfin visible. Il confirme à quel point le Japonais est l’un de nos plus grands artistes contemporains, le temps d’une fable enchanteresse qui éblouit par son dessin et sa justesse.
Dix ans qu’on n’avait pas vu un film signé Miyazaki. Dix ans qu’il nous avait quittés sur le magistral Le Vent se lève, annonçant sa retraite... avant de revenir sur sa décision dès 2016. La raison ? Un mystérieux projet, sobrement baptisé Le Garçon et le Héron. Une histoire d’enfant endeuillé, perdu, exilé comme l’était la petite Chihiro en son temps. Lui s’appelle Mahito. Il vit seul avec ses démons et peut-être aussi quelques fées, qui le visitent dans ce vieux manoir où son veuf de père a élu domicile. Ce lieu hors du temps abrite un héron ; mais pas n’importe lequel, un héron doué de parole.
Loin de décevoir, le résultat est plus qu’à la hauteur d’une carrière remplie de chefs-d ’œuvre, d ’une poésie froide et ténue, d’une étrange et presque inquiétante beauté. Fidèle à lui-même, le cinéaste nous introduit dans un environnement familier, pour mieux nous faire glisser – on pourrait dire dériver – vers l’onirisme. Et on passe avec Mahito dans une autre dimension, comme pris dans un rêve opaque.
On reste bouché bée devant l’imagination intacte du maestro, qui invente un monde ex nihilo battu par les vents ; un monde où vivent des créatures célestes et dont les paysages désolés invoquent les peintures d’Arnold Böcklin. Que d’éblouissement dans ces couleurs pastel, ces objets magiques et surtout ce vertige narratif qui agence le film comme un jeu de poupées russes.
UNE SYNTHÈSE INÉPUISABLE
Embarqué dans une odyssée homérique pour délivrer sa mère de la mort, Mahito traverse un dédale de lieux et d’univers en perpétuelle métamorphose. Un exploit permis par le génie visuel du cinéaste, qui fait cohabiter différents types d’animation avec une grande fluidité. Le Garçon et le Héron est pourtant un film généreusement chaotique, tout droit sorti d’un inconscient aux idées comme des herbes folles ; celui de Miyazaki, qui ambitionne là de synthétiser toute son œuvre.
Outre les clins d’œil à son propre bestiaire, le maestro bouleverse par sa rigueur et son esprit de contradiction, dans un cinéma d’animation qui se revendique d’une certaine maturité. Un film qui se joue en permanence de nos préjugés, où bien et mal cohabitent et s’entrecroisent, comme deux mondes entre lesquels Mahito vogue sur le fil.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Le Garçon et le Héron, à découvrir actuellement dans nos cinémas.