LES MEUTES, NUIT MAGIQUE
Dans ce film sous haute tension, distingué par la section Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, Kamal Lazraq transcende les codes du polar et signe une épopée virtuose dans les bas-fonds de Casablanca.
Remarqué pour ses courts métrages tournés à Casablanca, Kamal Lazraq fait cette année une entrée fracassante dans la cour des grands. Une arrivée comme on en voit peu sur des premiers films parfois hésitants. Celui du réalisateur marocain témoigne d’une grande maîtrise, d’une vision de cinéma claire et affirmée ; une cinématographie sans compromis, qui va droit au but. Un film de pur magicien, où soudain la nuit devient un gouffre abyssal ; où soudain Casablanca et ses environs prennent une dimension surnaturelle. Et pour cause, le cinéaste connaît comme sa poche cette ville qui l’a vu naître. Au point de faire corps avec elle.
Sans le sou, Hassan et son fils Issam – campés par deux acteurs exceptionnels – traînent en quête de combines. Mais ils se retrouvent vite avec un problème sur les bras, qu’on les somme de faire disparaître avant le lever du jour. Kamal Lazraq nous immerge d’emblée dans un monde impitoyable, où le plus mince affront se paie dans le sang ; un monde aussi où les femmes sont tout bonnement invisibles. Et au milieu, deux générations d’hommes, incarnées par un père en disgrâce et un fils qu’il entraîne dans sa chute. D’une royale simplicité, circonscrite à deux personnages en butte à cette tâche laborieuse, l’intrigue laisse ainsi champ libre à toutes les digressions, tous les fantasmes.
UN POLAR ÉLECTRIQUE
Plongée radicale au cœur de la nuit, Les Meutes passe alors du simple polar au pur – et grand – film d’atmosphère. Au réalisme d’un certain cinéma social, Kamal Lazraq oppose une esthétique proche de maîtres américains à l’instar de Michael Mann ou des frères Safdie. Les teintes sont poussées comme autant de néons qui crépitent à l’écran. Le noir est d’une rare profondeur, on croirait ne jamais plus pouvoir s’en extirper.
L’errance du père et du fils a des allures odysséennes, de descente aux enfers littérale, dans cette ville où chacun délègue sa culpabilité pour quelques billets. Avec hauteur de vue, Kamal Lazraq profite aussi de la nuit pour ouvrir le film à de puissantes visions spectrales, témoignant de toute l’ambition formelle d’un cinéaste qu’on n’est pas près d’oublier, lui qui s’inscrit dans la lignée d’un cinéma marocain en pleine renaissance.
Cet article est issu du Mag by UGC
Les Meutes, à découvrir actuellement dans nos salles. Ce film a reçu le label Découverte UGC