VERS UN AVENIR RADIEUX NANNI MORETTI RÈGLE SES COMPTES
Derrière ce beau titre se cache la dernière comédie satirique de Nanni Moretti, présentée au Festival de Cannes. Le cinéaste de génie y incarne à nouveau un double de lui-même, confronté cette fois à bien des obstacles dans la réalisation de son prochain film. Un régal.
Face au palmarès cannois de l’édition 2021, où il présentait son crépusculaire Tre Piani, Nanni Moretti s’était fendu d’un selfie l’air grave et ahuri. Il accompagnait la photo de ce commentaire ironique : "Quand ton film ne gagne pas et qu’au lieu de ça, le vainqueur [Titane de Julia Ducournau, ndlr] illustre une héroïne qui tombe enceinte d’une Cadillac. Tu vieillis d’un coup." Un coup de vieux qui semble avoir paradoxalement inspiré le maestro, tant ce nouveau film est aussi l’autoportrait tragi-comique d’un cinéaste prénommé Giovanni. Déphasage illustré par Moretti dans de drôles de vignettes, alors qu’il tourne un film centré sur le Parti communiste italien.
Tandis qu’on aurait pu voir le cinéaste s’abîmer dans la mélancolie, Vers un avenir radieux – son titre grotesque nous le dit bien – affronte les troubles de l’époque avec une verve maniaque. C’est que Moretti, passé maître dans l’art de fustiger avec humour, renoue ici avec la veine caustique de ses premiers films. Loin de s’avouer vaincu, voilà qu’il transfigure sa morosité face à la dépolitisation du monde et au sacrifice progressif de l’art en un joyeux capharnaüm. En résulte un film qui échappe à toute idée de conformisme et se déploie – ou se déplie – à l’envie; un film où l’on chante et danse comme par surprise, pour se (re)donner du courage.
LA MAISON BRÛLE
Au bazar du tournage mené par Giovanni, où s’enchaînent les déconvenues de production et les caprices d’une comédienne, répond en écho le bazar de sa vie intime; ainsi sa femme et productrice se décide à le quitter, quand sa fille n’en fait qu’à sa tête. C’est que Moretti ne se caricature pas en figure exemplaire d’un temps regretté, simplement en (presque) septuagénaire qui observerait d’un œil rieur sa propre ringardise. On reconnaît ainsi un certain courage à l’Italien, qui ne s’épargne pas et s’égratigne même dans son paternalisme outragé. Il faut voir les mimiques désespérées – et hilarantes – de Giovanni/Moretti face à un monde qui le dépasse, y compris d’un point de vue politique, c’est que violence à tous crins et capitalisme débridé semblent sonner le glas de ses idéaux artistiques. À moins que le cinéma ne ressuscite... vers un avenir radieux.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Vers un avenir radieux, à découvrir actuellement dans nos cinémas. Ce film a reçu le label UGC M.