THE QUIET GIRL, LA MAGIE DU SILENCE
Les paysages impétueux d’Irlande, le visage poupon d’une fillette, une ferme qui a la saveur de l’enfance... Avec pour seule arme la poésie des petits riens, Colm Bairéad signe un premier film qui a tout du petit chef-d’œuvre.
Peut-on bâtir un film à partir de pures sensations ? À en croire la poésie de The Quiet Girl, il semblerait que oui. Le coup de maître de Colm Bairéad est bel et bien un film sensitif; un film monde qui renferme le souvenir d’un été passé dans la lande irlandaise de 1981. Celle qu’arpente alors la petite Cáit (Catherine Clinch), recueillie par des parents éloignés qui tiennent une fermette isolée. Ses propres parents l’ont laissée là pour la saison, dépassés par la pauvreté et une ribambelle d’enfants qu’ils ont à peine le temps de regarder. Livrée à elle-même, Cáit s’est murée dans sa solitude : elle est une quiet girl. Non content de nous placer dans la peau d’une fillette mutique, le film érige le silence en principe de mise en scène. On parle peu dans cette Irlande immémoriale, davantage propice à la contemplation. Les sentiments n’y sont pas moins présents, lovés dans les petites attentions du quotidien ; chez ce couple sans enfant qu’elle ne connaît ni d’Ève ni d’Adam, Cáit trouve d’ailleurs une famille qui la comprend. Entre les lignes, on réalise que pour la première fois de sa vie, une gamine expérimente l’amour parental. Un amour inconditionnel, si simple et pourtant si porteur. Colm Bairéad le traduit en images, tout à la fois infimes et majestueuses, sans s’encombrer du poids des mots.
MADELEINE DE PROUST
Tourné avec un soin d’orfèvre, The Quiet Girl saisit quelque chose de la magie de l’enfance. Avec ses cadrages sophistiqués, sa lumière crépusculaire, sa caméra incisive, le film parvient à transformer l’espace en un monde étrange et merveilleux. Le monde vu à travers les yeux de Cáit, où les visions les plus banales se fixent parfois pour l’éternité. L’océan éclairé par la Lune, un biscuit déposé sur une table, une robe essayée en ville... De frêles instants immortalisés par le cinéaste, qui dessine son récit comme le ferait un peintre impressionniste. Point de conflits inutiles ici ; seulement la chaleur d’un été passé loin de chez soi, porte ouverte sur l’inconnu. Véritable madeleine de Proust faite film, The Quiet Girl parle à notre cœur d’enfant avec une proximité universelle. Et bouleverse par sa modestie, qui trahit en fait un vertigineux sens du détail.
Cet article ets issu du Mag by UGC.
The Quiet Girl, à découvrir actuellement dans nso cinémas. Ce film a reçu le label Découverte UGC.