KNOCK AT THE CABIN : RENCONTRE AVEC M. NIGHT SHYAMALAN
Qu’est-ce qui vous a poussé à adapter le livre de Paul Tremblay, La Cabine aux confins du monde (2018) ?
M. Night Shyamalan : Tout part du concept, et il y a plusieurs livres que j’aurais voulu porter à l’écran si j’en avais eu l’occasion. Je pense aux romans à l’origine de Jurassic Park (1993) ou Le Silence des agneaux (1991), mais aussi à L’Odyssée de Pi (2012) que j’ai failli réaliser. Dans le cas de Knock at the Cabin, c’est son dilemme initial et son atmosphère féerique qui m’ont happé.
C’est la première fois que vous réalisez un (quasi) huis clos. Qu’est-ce qui vous a plu dans l’exercice ?
Imaginez une femme représentée au coin d’une peinture : si elle regarde hors champ, vous vous sentirez tout de suite davantage concerné par l’œuvre. C’est ce que j’essaye d’appliquer à mes films, et qui transparaît ici, dans ce qu’on projette sur les événements extérieurs à la cabane, ou sur l’origine des quatre intrus. Dans l’art, l’inconnu est une manière noble de réveiller l’émotion.
Le conte de fées est une composante essentielle de votre œuvre. Avez-vous grandi avec ces histoires-là ?
J'ai grandi avec la mythologie indienne, où se télescopent des histoires à dimension religieuse. En Inde, elles étaient transposées en bandes dessinées et sonnaient donc comme des contes de fées. Puis j’ai découvert les contes occidentaux, à travers Walt Disney. Je suis friand des toutes premières productions, qui étaient chargées d’une noirceur qu’on ne retrouve plus aujourd’hui. Je ne traite jamais le merveilleux avec cynisme dans mes films, qui en proposent une version plus adulte. La traduction adulte du conte enfantin dans lequel on quitte le foyer pour se perdre en forêt, c’est peut-être ce qui advient dans Knock at the Cabin: une violation de domicile, qui menace votre famille.
Les intrus de Knock at the Cabin évoquent les super-héros, qui peuplent vos films depuis Incassable (2000). Ont-ils un point commun avec ceux qu’on voit aujourd’hui dans les superproductions hollywoodiennes ?
Stan Lee [l’un des cocréateurs de l’univers Marvel, ndlr] a un jour déclaré qu’en opposition aux personnages de DC Comics, ses super-héros devaient payer leurs factures. Il en a fait des êtres humains comme les autres, et pour moi aussi les comics nous représentent. Il y a des pouvoirs à peine croyables et pourtant bien réels : certains peuvent tenir 7 minutes en apnée, anticiper les mouvements des autres, ou soulever une voiture pour sauver leur enfant d’un accident. Il y a un continuum entre l’extraordinaire du monde connu et celui des comics, qui en font ainsi la mythologie.
On peut dire que dans Knock at the Cabin, les deux otages refusent de croire en l’existence des superhéros.
Oui, on peut le voir de cette manière ! C’est pour cette raison que mes films ne sont jamais entièrement fantaisistes. À moins qu’on me propose de croire en un monde inventé de toutes pièces, comme dans Harry Potter [dont il a failli réaliser un épisode, ndlr], je n’aime pas qu’on m’impose un postulat fantastique. Au lieu d’affirmer qu’un homme possède un dragon dans Paris, n’est-il pas plus intéressant de se demander si c’est bien vrai ? Et si oui, comment embarquer le public dans cette croyance ?
Le film pointe aussi du doigt notre aveuglement face à la crise écologique. Qu’en pensez-vous ?
Entre les élections américaines et la crise sanitaire, les événements récents ont posé la question d’un changement de société radical. Avons-nous élu Donald Trump parce que nous sommes fondamentalement mauvais, ou est-il le signe d’autre chose ? Ironiquement, son élection a permis une prise de conscience plus massive; ce que je vois, c’est que de plus en plus de gens croient sincèrement que la planète disparaîtra si rien ne bouge. Annoncer la fin du monde, estce alors un signe de désespoir ou au contraire un gage d’espérance ?
Cette interview est issue du Mag by UGC.
Knock at the Cabin, à découvrir dès maintenant dans nos cinémas.
