DES HOMMES : LABEL BELGE
Des Hommes suit d’anciens combattants français hantés par le souvenir de la guerre d’Algérie. Le prometteur Yoann Zimmer y campe une version jeune de Gérard Depardieu en uniforme kaki. Une hallucination.
Un parcours déjà tout tracé
Avant d’enfiler son chapeau de brousse dans le drame de Lucas Belvaux (avec, notamment, Gérard Depardieu, Catherine Frot et Jean-Pierre Darroussin comme compagnons de casting), le jeune belge a fait ses armes auprès des frères Dardenne dans Deux jours, une nuit et La fille inconnue. Deux rôles qui ont permis à l’acteur de se faire un nom et d’étendre son répertoire. On l’a ensuite retrouvé dans des productions françaises, à l’image du thriller fantastique Les Fauves de Vincent Mariette, Rêves de jeunesse d’Alain Raoust mais aussi Été 85 de François Ozon. Chez nos voisins belges comme en France, c’est donc dans le cinéma d’auteur pur jus que Yoann Zimmer a choisi de se frayer un chemin. Et ça lui réussit plutôt bien pour l’instant.
Un jeu 100% intense
Dans Des Hommes, il prête ses traits à Bernard, un soldat français mal dans sa peau (et un chouia antipathique) envoyé en Algérie avec son cousin, envers qui, il nourrit une rancoeur grandissante. Pour mieux se glisser dans cet anti-héros renfrogné, parfois cruel et pas très bavard, Yoann Zimmer a tout misé sur ce qui faisait déjà la richesse de ses performances : un jeu intense et très frontal. Voix gutturale, démarche affirmée, gestes lents mais précis, regard qui ne flanche pas… Les nombreuses scènes de flashbacks sont portées par son magnétisme et son inquiétante froideur.
Une gueule de star
Visage émacié à la Ryan Gosling, nez proéminent à la Louis Garrel, tignasse blonde ébouriffée et regard glacial à la Ray Liotta… Yoann Zimmer débarque dans le métier avec un avantage certain : une tronche de beau-gosse charismatique, reconnaissable entre mille. Éclairé à la bougie, déformé par un miroir ou couvert de sueur, le visage angélique du comédien, inspecté sous toutes les coutures par la caméra, ne cesse de se transformer pour mieux traduire le traumatisme traversé par son personnage. Dans ses yeux, c’est la violence de la guerre, la mort de ses frères d’arme, celles d’inconnus dans les rues et la vie loin de sa bien-aimée que l’on peut lire.
Un rôle partagé avec Depardieu
S’il ne donne pas directement la réplique à Gérard Depardieu, Yoann Zimmer a le mérite de partager un rôle avec l’acteur septuagénaire. Outre la ressemblance physique assez troublante entre les deux comédiens au même âge (même blondeur, même nez cabossé, même regard désenchanté), ce qui frappe surtout, c’est cette même présence intimidante à l’écran. Tout se passe dans le regard, dans cette façon commune et si particulière de dévisager son prochain, dans cette tension permanente qui habite ces deux corps rigides, dans ces coups de gueule soudains qui font redresser le spectateur sur son siège. Les mêmes à cinquante ans et quelques dizaines de kilos d’écart ? Y a de ça oui...
Julia Mothu