DERNIÈRE NUIT À MILAN, RENCONTRE AVEC PIERFRANCESCO FAVINO
Il a crevé l’écran en parrain mafieux dans Le Traître (2019) ou en vagabond napolitain dans Nostalgia (2023) ; il revient en policier torturé dans Dernière nuit à Milan. Sacré comme l’un des très grands de sa génération en Italie, Pierfrancesco Favino s’est confié sur ce rôle vertigineux qui assoit encore un peu plus sa stature. Et avec un français impeccable !
Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter le premier rôle d’un polar ?
Pierfrancesco Favino : Ça fait longtemps que l’Italie a abandonné le polar, or j’aime beaucoup ce genre-là. Et puis je connaissais bien le réalisateur Andrea Di Stefano, qui m’a donné la réplique sur un film. Son scénario m’a immédiatement séduit : il y a comme un mélange entre néoréalisme italien et film de genre, ou plutôt "spaghetti noir" comme le décrit si bien Andrea.
Y’a-t-il un changement dans le rapport que l’Italie entretient avec le cinéma de genre ?
Chaque fois qu’un film a du succès, son genre devient une mode. C’était la même chose lorsque j’ai fait Romanzo criminale [le film de Michele Placido qui a révélé Pierfrancesco Favino en 2005, ndlr] : au début, personne ne voulait refaire un film de gangsters. Après la sortie de Dernière nuit à Milan en Italie, un producteur s’est peut-être dit : "Tiens, il faudrait faire un polar italien..." Mais il faut du savoir-faire, car c’est à mon avis plus difficile de réaliser un bon film de genre qu’un bon film d’auteur !
Voyez-vous un point commun entre ce rôle et ceux que vous avez tenus chez Marco Bellocchio ou Mario Martone ?
Il y a surtout une différence notable : ici, j’incarne un homme du peuple. Lorsqu’on met en scène un certain milieu social, on peut vite tomber dans une démagogie qui voudrait que les héros soient forcément des gens bien. C’est un risque que j’avais constamment en tête : faire en sorte qu’on ne juge pas mon personnage, ni qu’on l’enjolive maladroitement.
Votre carrière est symboliquement liée à l’histoire criminelle de l’Italie. Qu’est-ce qui vous attire là-dedans ?
En vérité, ce sujet est impossible à éviter en Italie ! (Rires.) Ça fait évidemment partie de notre culture, bien qu’on ne veuille pas tout à fait l’accepter. La mafia est devenue comme un symbole au fil du temps, un moyen pour les metteurs en scène de parler de justice. L’originalité de Dernière nuit à Milan, c’est de parler cette fois de la mafia chinoise.
Au regard de l’intense scène d’action qui fait le sel du film, comment avez-vous vécu ce tournage ?
On a tourné presque entièrement de nuit, pendant 11 semaines. Cette fameuse scène était très éprouvante, car elle a été tournée sans effets spéciaux : on a tout fait à la manière des années 1970. Mais j’ai eu comme une impression de facilité, sans doute grâce à ma partenaire de jeu, Linda Caridi. Elle apporte beaucoup au film. J’aime le couple qu’on forme à l’écran, un couple tout à fait amoureux, sans verser dans le romantisme. J’y vois quelque chose de la comédie italienne.
Il est vrai que les cinéastes ont aujourd’hui très souvent recours aux effets spéciaux...
J’ai vu avec mes filles le Star Wars de 1977, puis le dernier en date. Et si elles ont adoré le premier, elles ont perdu tout intérêt pour le second ! C’est lié aux effets spéciaux : aujourd’hui, on y est tellement habitués qu’on ne croit plus à ce qu’on voit au cinéma. Or, je crois davantage au premier Star Wars, malgré ses scories visuelles. De la même manière, Andrea a souhaité tourner sans effets spéciaux pour attiser cette croyance. C’est d’autant plus efficace que le réel installe une plus grande tension, y compris dans le jeu des acteurs.
Vous parlez très bien français. Quel est votre rapport à notre cinéma hexagonal ?
J’ai toujours adoré le cinéma français et je continue ! J’ai grandi avec certains acteurs, qui ont beaucoup joué dans mon propre désir, je pense par exemple à Philippe Noiret. Plus récemment, j’ai été très impressionné par Benoît Magimel. Je le trouve incroyable. Et il y en a plein d’autres... Ce qui est sûr, c’est que j’aimerais qu’on collabore davantage. Jusqu’aux années 1970, il y avait une vraie tradition d’échange entre la France et l’Italie…
Cet interview est issue du Mag by UGC
Dernière nuit à Milan, à découvrir actuellement dans nos cinémas.