CONCLAVE : PÉCHÉ D’ORGUEIL
Favori dans la course aux Oscars, ce thriller politico-religieux avec Ralph Fiennes brille par sa tension tous azimuts et sa vision génialement cruelle de l’Église catholique.
Tout est politique… et encore davantage les institutions religieuses, en l’occurrence le Vatican tel que dépeint par le romancier féru d’histoire politique Robert Harris. Un Vatican tout près de vaciller, après la mort du Pape auquel il faut trouver un remplaçant. On savait le talent de l’auteur et coscénariste de The Ghost Writer (2010), grandiose adaptation de son roman paru en 2007. On est ébloui par cette nouvelle reprise d’un de ses livres, réalisée par Edward Berger (À l’Ouest, rien de nouveau) et portée par Ralph Fiennes dans l’un de ses meilleurs rôles ; celui du cardinal Lawrence, qu’on charge d’organiser l’élection du souverain pontife à huis clos.
C’est dire que Conclave est un film étouffant, cerné par le regard inquisiteur des icônes comme par le poids de l’histoire. Volontiers inquisitrice, la mise en scène d’Edward Berger se veut rêche et tendue ; le sentimentalisme n’a pas sa place derrière les hauts murs du Vatican. Dans cet outre-monde régi par des lois immuables, on pactise et on négocie, on jauge et on vote ; on vote dix, vingt fois s’il faut jusqu’à s’accorder sur le nom d’un futur pape. Le film se joue habilement de ce climat politicien, où se murmurent des stratégies entre deux couloirs avec chambres attenantes. On se croirait parfois dans un vaste séminaire d’entreprise, à tel point qu’on assiste à un vrai processus de désacralisation.
JEU DE DUPES
Jamais surplombant pour autant, jamais méprisant, Conclave fait preuve d’une sincère tendresse pour ces religieux soudain jetés dans la fosse aux lions. Les désacraliser, c’est les renvoyer à leur humanité ; une humanité bien trop ambivalente, bien trop tordue pour se prévaloir des cieux. Et si l’on rit d’abord d’un tel esprit de sérieux, d’un tel carnaval égotique, on succombe malgré nous au jeu pervers des alliances et des coups bas. Ce jeu d’échecs où rien n’est insoupçonnable, pas même la modestie: celui qui refuse la papauté, au fond, n’espère-t-il pas secrètement la couronne? Le film dépeint alors l’Église comme un système qui n’ échappe à aucun vice. Vérité cruelle, qui a le mérite de son honnêteté ; vérité dont le bruit résonne comme un tambour à chaque nouvelle révélation. Jusqu’à une résolution dont on ne dévoilera pas ici les aboutissants, mais qui a tout d’une pure épiphanie.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Conclave, un film labellisé UGC Aime, à découvrir actuellement au cinéma.