BORGO, FAITES ENTRER L’ACCUSÉE
Avec ce polar carcéral sous haute tension, Stéphane Demoustier transcende le fait divers, et prouve qu’il est définitivement un cinéaste sur qui il faudra compter.
Borgo. Derrière ce mot secret se cache l’Île de Beauté, plus précisément la prison qu’elle abrite et où sont enfermés les mafiosi qui peuplent nos imaginaires. Celui de Stéphane Demoustier en particulier, cinéaste dont l'impulsion artistique est souvent nourrie par le fait divers. Ce fut le cas pour Borgo, librement tiré d’une histoire vraie : l’assassinat de deux figures du grand banditisme par un homme armé, en 2017, en plein aéroport de Bastia. Après avoir froidement tiré sur ses cibles, le tueur s’était exclamé : "C’est rien, c’est un film." Une phrase qui résonne, qui crée un trouble à hauteur du cinéaste et de sa démarche: en faire un film, un vrai.
Ainsi Stéphane Demoustier s’intéresse à une femme, au milieu de cette histoire de vengeance entre clans rivaux. Gardienne de prison, on la soupçonne d’avoir succombé elle aussi à la machination. Une matière hautement romanesque dont s’empare le film, servi par le jeu tout en finesse de l’actrice Hafsia Herzi, qui a récemment marqué les spectateurs du Ravissement, signé Iris Kaltenbäck. Dans la peau de Mélissa, elle incarne cette fois une "matonne" venue d’ailleurs. Mal intégrée sur l’île, elle trouve chez les prisonniers qu’elle sur veille une seconde famille, et surtout une forme de protection. On l’aura compris : au fait divers clinique, Demoustier substitue un véritable art du portrait.
ANATOMIE DU CRIME
Point culminant d’une filmographie émaillée de faits divers, Borgo éclaire ainsi l’œuvre de Stéphane Demoustier. Entre Terre battue (2014) et l’acclamé La Fille au bracelet (2020) , se dessinait déjà une fascination pour l’engrenage criminel; l’un documentait le basculement d’un père revanchard, qui empoisonne les concurrents de son fils au tennis, l’autre le procès d’une jeune fille accusée d’avoir tué sa meilleure amie. Deux films inspirés de faits réels qui, sous leur apparent sensationnalisme, font preuve aucontraire d’une grand intimisme. Et s’attachent à sonder l’humanité dans ses failles les plus secrètes, souvent révélatrices d’un état de la société. C’est ainsi que nous est dépeint le destin de Mélissa, où l’on passe d’abord par le fait divers pour révéler une héroïne humaine, trop humaine. Pour affirmer enfin la charge subversive et la noblesse d’une tragédie moderne.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Borgo, à découvrir actuellement au cinéma.