BEAU IS AFRAID LE GRAND-ŒUVRE D’ARI ASTER
Porté par le magistral Joaquin Phoenix, Beau is Afraid marque la consécration de l’étoile montante du cinéma de genre indépendant américain: Ari Aster. Et surprend par son inventivité punk, le temps d’une véritable odyssée cauchemardesque.
On sort de la projection de Beau is Afraid avec cette impression tenace d’avoir été pris dans les cauchemars d’un autre – ceux d’Ari Aster. Les joues rosies par la claque qu’il vient de nous distribuer, on repense au chemin parcouru par ce cinéaste de 36 ans à l’allure (presque) innocente. On repense au crépusculaire Hérédité (2018), premier film et premier chef-d’œuvre qui transfigurait la dépression d’une mère par l’horreur. Une horreur sur fond de désolation et de désespoir. Puis au diurne Midsommar (2019), qui voyait une jeune femme s’enrôler peu à peu dans une secte païenne pour surmonter ses angoisses.
On l’aura compris : l’horreur selon Ari Aster puise dans les tourments de l’âme. Ses personnages sont affectés d’un malheur insondable, trou noir et faille intime d’où se nourrissent - et surgissent parfois – leurs démons. Après deux films d’épouvante déjà cultes, le cinéaste délaisse l’horreur au profit d’un pur portrait psychologique... non moins tourmenté. Celui de Beau (Joaquin Phoenix, idéal en grand névrotique), un asocial aux lourdes tendances hyp o condria ques et paranoïaques. Un "fils à maman" censé rendre visite à sa chère mère. Seulement voilà, l’heure tourne et les déconvenues s’enchaînent. Au point de transformer son voyage en périple odysséen...
UNE ENTITÉ DÉMONIAQUE
Depuis Hérédité et son titre évocateur, ou son court métrage The Strange Thing About the Johnsons (2011), Ari Aster dépeint le noyau familial comme une entité démoniaque. Beau is Afraid ne fait pas exception. Il remonte aux origines de son héros pour en déterrer les terribles secrets. Véritable cauchemar sans fin, labyrinthe peuplé de personnages au sourire malsain et à la mine décatie, le film se conforme à la psyché chaotique de Beau.
Il y a du David Lynch dans cette manière unique d’entrelacer lyrisme et angoisse, scènes d’horreur et humour absurde. Mais aussi dans cette façon de prendre à revers l’idéal américain : ici, le monde semble en proie à une vaste dégénérescence sociale. Règne ainsi un climat d’apocalypse, presque joyeux dans son anarchie punk. C’est ce sentiment de folle euphorie qui habite paradoxalement Beau is Afraid; le sentiment d’avoir vu un objet comme on n’en reverra plus jamais.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Beau is Afraid, à découvrir actuellement dans nos cinémas.