ANORA : L’ANTI-CONTE DE FÉES DE SEAN BAKER
Auréolé de la Palme d’Or par le jury présidé par Greta Gerwig, le film de Sean Baker nous plonge dans le quotidien survolté d’une travailleuse du sexe de Brooklyn.
Il a fallu attendre treize ans pour qu’un film américain reçoive à nouveau la récompense cannoise suprême. Et c’est la tornade Anora, dernier jalon d’une consécration pour son réalisateur qui ne devait plus tarder à poindre, qui succède au vaporeux The Tree of Life de Terrence Malick. En treize ans, le cinéma américain a bien changé, et Sean Baker est devenu l’un des plus fervents représentants de son versant indépendant. Point d’orgue d’une œuvre dédiée à l’Amérique des marges, au désenchantement du rêve américain, cette Palme d’or et de paillettes braque ses projecteurs sur l’éclatante Anora (Ani pour les intimes et tous les autres), héroïne volcanique et imprévisible s’il en est. Du strip-club où elle travaille, jusqu’aux artères grouillantes de Brighton Beach, le quartier russe de New-York, le film de Sean Baker fait le récit d’une course effrénée vers le mirage de l’ascension sociale.
C’est qu’Ani (incarnée par l’électrique Mikey Madison), non contente de ce job qu’elle aime et pour lequel elle est douée, aspire à une vie digne d’un conte de fées. Et voilà qu’arrive Vanya (Mark Eydelshteyn), rejeton d’un oligarque russe qui lui propose de louer ses services moyennant un joli chèque… Avant de l’épouser à la hâte lors d’une folle virée à Las Vegas. Pas de quoi ravir les riches parents du garçon, bien décidés à débarquer sur le sol américain pour faire annuler l’union. Le film a beau commencer comme Cendrillon, il est pourtant plus proche d’un remake détraqué de Pretty Woman, d’une sorte de conte de fées monté à l’envers. Pas question cependant pour Sean Baker de s’apitoyer sur le sort de son héroïne, qu’on découvre prête à (littéralement) montrer les crocs pour défendre son nouveau statut.
SUBVERTIR L’IMAGINAIRE
Après Tangerine (2015) et Red Rocket (2022), Sean Baker remet le parcours d’une travailleuse du sexe au cœur de son œuvre – en mai dernier, il dédiait la Palme à « toutes les travailleuses du sexe du passé, du présent et du futur ». Pas pour la tourner en ridicule, ni pour la transformer en figure tragique, mais pour en célébrer la force et la détermination. Une manière de subvertir les représentations perpétuées dans l ’ imaginaire du cinéma américain, et de faire entrer l'Amérique des marges dans le panthéon des triomphes cannois.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Anora, un film labellisé UGC Aime, à découvrir actuellement au cinéma.