2054. Criblé de dettes, Mickey Barnes accepte de se soumettre à un programme radical de clonage toujours utile en ces temps de colonisation de Niflheim, une planète glacée. Il va accéder au statut de « consommable », soit une main-d’œuvre que ses patrons exposent aux travaux les plus dangereux, sacrifient, puis régénèrent dans un nouveau corps dans lequel ses souvenirs sont implantés. 

Pourquoi y aller : En adaptant le best‑seller de l’écrivain américain Edward Ashton, avec les moyens des grosses productions hollywoodiennes (budget estimé à 118 millions de dollars)  et un casting de vedettes, le réalisateur de Parasite n’a rien perdu de son style, livrant un blockbuster de science‑fiction transformé en farce. On y retrouve le portrait d’une société fracturée entre dominés et dominants et l’irrévérence quand il s’agit de représenter les « maîtres du monde » tels des clowns ridicules (Mark Ruffalo, parfait dans la peau d’un Elon Musk dictateur). La quête existentielle de l’antihéros habitué à mourir dans des conditions atroces convoque, quant à elle, le cinéma burlesque, de Charlie Chaplin ou Buster Keaton, et révèle toutes les nuances du jeu comique de Robert Pattinson. Et puis, il y a ces créatures, les « rampants », qui donnent du fil à retordre aux protagonistes de Mickey 17. Elles évoquent autant le monstre sanguinaire de The Host que l’attachant cochon nourri aux cultures transgéniques de Okja. Bref, Bong Joon‑ho tient la forme.

SAUVÉS PAR LE BONG 

Depuis l’annonce de son tournage en 2022, et ses multiples reports, tout le monde commençait à s’impatienter. À quoi allait ressembler Mickey 17, huitième long-métrage de Bong Joon-ho ? Une impatience décuplée par le statut de superstar globale du cinéaste sud-coréen, suite au triomphe de son chef-d’œuvre Parasite – Palme d’Or au Festival de Cannes 2019, statuettes du meilleur film et meilleur réalisateur aux Oscar 2020.

Avant de devenir ce mutant du septième art capable de sophistiquer le cinéma de genre comme personne, Bong Joon-ho a marqué les esprits en réinventant plusieurs domaines : polar dépressif sans résolution (Memories Of Murder, 2003), film de monstre comme allégorie des risques liés à l’ultracapitalisme et ses dérives (The Host, 2006), blockbuster apocalyptique sur fond de lutte des classes, situé dans l’espace clos d’un train filant à toute berzingue (Snowpiercer, adapté de la BD de Jean-Marc Rochette, Le Transperceneige, 2013).

Au moment de justifier la violence futuriste de ce film et son obsession pour la lutte des classes, Bong Joon-ho sourit : « En observant autour de moi, je visualisais vraiment le monde comme une machine folle. » Autrement dit, l’ancien étudiant en sociologie à l’Université de Séoul est devenu un cinéaste politique. Cela se confirme avec la sortie sur la plateforme Netflix de son conte écologique Okja. Si l’invention d’une créature mi-hippopotame, mi-cochon émeut les amateurs de viande, le film faussement naïf prône l’activisme pour s’opposer aux dérives du capitalisme.

Et si cette manière de truffer de purs « action movies » de références aux inégalités expliquait aussi le succès de Parasite ? « Je pense qu’on peut exprimer un point de vue sur la réalité au cinéma, sans être dans la doctrine, sans verser dans le militantisme », dira juste Bong Joon-ho. Alors que le monde d’avant s’efface sur fond de pandémie et que celui d’après se déploie, le réalisateur rondouillard et ébouriffé a pris une nouvelle dimension : celle du premier cinéaste hors des États-Unis à réunir les geeks de pop culture et les cinéphiles, comme l’avait fait, avant lui, Stanley Kubrick. 

Cet article est issu du Mag by UGC.
Mickey 17, à découvrir actuellement au cinéma.

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